La dystrophie musculaire: comment les cellules souches pourraient-elles aider?
La dystrophie musculaire est une atrophie musculaire qui prend plusieurs formes différentes. La forme la plus répandue de la maladie, la dystrophie musculaire ou myopathie de Duchenne, touche environ un garçon sur 3500 à la naissance et ce à l’échelle mondiale. Comment la recherche sur les cellules souches pourrait-elle conduire à de nouveaux traitements ?
Les dystrophies musculaires sont un groupe de maladies génétiques qui entraînent une faiblesse et une dégénérescence des muscles cardiaques et squelettiques.
Les personnes atteintes de dystrophie musculaire de Duchenne (DMD) ont un déficit en une protéine, la dystrophine, qui fragilise leurs muscles. La lésion musculaire peut entraîner une inflammation qui provoque une détérioration plus importante du tissu musculaire.
Normalement, les cellules souches musculaires, appelées ‘cellules satellites’, produisent des myoblastes qui réparent les fibres musculaires endommagées. Cependant, dans la DMD, les cellules satellites peinent à produire suffisamment de myoblastes et s’épuisent rapidement.
Les chercheurs étudient de façon détaillée les cellules satellites et les causes de lésion musculaire ainsi que les traitements qui contribuent à réduire la dégradation musculaire, comme les traitements anti-inflammatoires.
Des études explorent les moyens de protéger, et éventuellement de restaurer la fonction musculaire en greffant chez les patients des cellules productrices de dystrophine. Ces cellules pourraient être des cellules d’un donneur ou celles, génétiquement modifiées, du patient lui-même.
Les cellules souches pluripotentes induites (cellules iPS) sont aussi à l’étude comme option pour produire de grandes quantités de cellules portant les gènes normaux de la dystrophine.
Le risque de rejet de greffe par le système immunitaire d’un patient est un des défis principaux que doivent relever les traitements par transplantation de cellules de donneur. Traiter les patients avec leurs propres cellules (soit des cellules génétiquement modifiées soit des cellules iPS) peut largement surmonter le rejet de greffe mais présente d’autres risques.Tous les muscles d’un patient sont affaiblis et doivent être traités. La distribution uniforme de cellules dans les muscles de tout le corps est un défi important pour les thérapies cellulaires.
Un autre défi de taille: tous les muscles d’un patient sont affaiblis et doivent être traités. La distribution uniforme de cellules dans les muscles de tout le corps est un défi important pour les thérapies cellulaires. Aujourd’hui, les thérapies cellulaires ont un faible taux de réussite, en raison du ratio inévitablement bas entre des cellules saines (ou génétiquement corrigées) et des cellules résidentes malades.
Les dystrophies musculaires sont un groupe de maladies génétiques qui affectent les muscles du squelette et, dans plusieurs cas, le muscle cardiaque. Les symptômes incluent une faiblesse musculaire et une perte progressive de la masse musculaire. La dystrophie musculaire de Duchenne (DMD) est la forme la plus fréquente et la plus grave de cette maladie. Elle est due à une anomalie génétique qui empêche la production d’une protéine appelée dystrophine. Sans dystrophine, les muscles sont fragiles et s’endommagent facilement. Au fil du temps, les lésions engendrées sont si sévères que l’organisme ne parvient pas à les réparer. Les muscles commencent à fondre, ce qui entraine une invalidité progressive chez les patients.
Un muscle est composé majoritairement d'un assemblage (faisceaux) de fibres musculaires, mais il contient également plusieurs autres types de cellules dont les cellules souches. Les cellules souches font partie du système d’autoréparation de l’organisme. Elles peuvent donner naissance à des cellules progénitrices etont la capacité de s’auto- renouveler. Les muscles du squelette contiennent une catégorie de cellules souches appelées cellules satellites. Lorsque les fibres musculaires accumulent des lésions, elles envoient des signaux chimiques aux cellules satellites pour leur indiquer de former d’autres fibres musculaires ou de fusionner avec les fibres existantes pour réparer les dommages. Parallèlement, certaines cellules satellites s’auto- renouvellent pour assurer le maintien à long terme d’un nombre suffisant de cellules souches. Celles-ci permettront la réparation et le remplacement des fibres musculaires tout au long de la vie.
Puisque les muscles sont constamment endommagés dans la DMD, les scientifiques pensent que la charge de réparation qui pèse sur les cellules satellites est si lourde que celles-ci s’épuisent et perdent leur capacité à s’auto répliquer. Les cellules satellites sont essentielles pour la réparation musculaire. Si le nombre de cellules diminue, le muscle devient de moins en moins apte à se réparer. Les fibres musculaires endommagées sont alors remplacées par des cellules adipeuses (cellules graisseuses) et du tissu fibreux, ce qui affaiblit le muscle jusqu’au point où il ne peut plus fonctionner efficacement.
Actuellement, il n’y a aucun remède contre la DMD. Les traitements visent à renforcer les muscles des patients et à réduire certains symptômes de la maladie. Les stéroïdes sont couramment utilisés, mais ils présentent de nombreux effets secondaires dont une fragilisation osseuse menant à l’ostéoporose. La physiothérapie peut aider à maintenir la force et la souplesse musculaire, mais les chercheurs espèrent réussir à réparer ou à remplacer les fibres musculaires endommagées dans le futur. Ceci sera accompli en utilisant différentes stratégies dont la transplantation de cellules productrices de dystrophine pour restaurer la fonction musculaire.
Il existe plusieurs types de cellules souches, et les scientifiques pensent pouvoir les utiliser de différentes façons pour mettre au point des traitements contre la dystrophie musculaire. Les principales approches basées sur les cellules souches qui sont présentement à l’étude sont :
- La production de fibres musculaires saines : les scientifiques espèrent réussir à implanter des cellules souches saines et exemptes de l’anomalie génétique de la DMD dans les muscles des patients. Celles-ci pourront générer des fibres musculaires fonctionnelles et remplacer les cellules endommagées du patient.
- La réduction de l’inflammation : dans la dystrophie musculaire, il existe une inflammation importante des muscles endommagés. Cette inflammation accélère la dégénérescence musculaire. Les scientifiques espèrent pouvoir utiliser certains types de cellules souches qui libèreraient des substances chimiques contribuant à réduire l`inflammation. Ceci ralentirait la progression de la maladie.
Les scientifiques explorent également des approches thérapeutiques qui n’impliquent pas l’utilisation de cellules souches, mais plutôt la réparation du gène défectueux. Ceci inclut la thérapie génique ou des molécules médicaments pouvant interagir avec le gène cible. Ceux-ci sont testés chez des patients ou dans des modèles précliniques. Il est vraisemblable que les traitements futurs utiliseront une combinaison de plusieurs de ces approches. Les scientifiques étudient également le rôle des cellules souches dans l’entretien et la réparation des muscles sains afin de mieux comprendre ce qui est altéré dans la dystrophie musculaire et découvrir un traitement pour y remédier.
La recherche actuelle se concentre sur le développement de moyens pour restaurer la production de la protéine dystrophine qui fait défaut dans les muscles des patients atteints de DMD.
Les myoblastes
Les myoblastes sont des cellules produites après la naissance à partir des cellules satellites. Les myoblastes fusionnent pour former les fibres musculaires. Lorsqu’ils sont injectés dans les muscles de souris atteintes d’un déficit musculaire semblable à celui qui est responsable de la DMD, les myoblastes des souris donneuses saines fusionnent avec les fibres musculaires endommagées et restaurent partiellement la production de dystrophine. Néanmoins, des essais cliniques ont montré que les transplantations de myoblastes n’étaient pas efficaces chez l’humain. Les myoblastes transplantés dans les muscles dystrophiques du patient ont un faible taux de survie et sont attaqués par les cellules immunitaires et inflammatoires de l`organisme, ce qui provoque leur rejet.
Il existe aussi des problèmes pratiques. Bien que les myoblastes pourraient éventuellement s’avérer utiles en tant que traitement pour des types de dystrophies musculaires qui affectent un petit nombre de muscles tel que dans le cas de la dystrophie oculo-pharyngée, ceci n’est pas envisageable dans le cas de la DMD qui touche la majorité des muscles de l’organisme. L’obtention d’une quantité suffisante de cellules requises pour la transplantation ainsi que leur injection dans l’ensemble des muscles de l’organisme est tout simplement impossible car cela nécessiterait des milliers d’injections. Pour traiter tous les muscles, il faudrait pouvoir injecter les cellules dans la circulation sanguine pour qu’elles atteignent l’ensemble des muscles. Il est impossible d’utiliser cette technique car les myoblastes ne traversent pas les parois vasculaires pour atteindre les muscles.
Les mésoangioblastes
Les mésoangioblastes (MAB) sont un type de cellules progénitrices”. On trouve les MAB dans les parois des vaisseaux sanguins. Les chercheurs ont montré que des mésoangioblastes normaux peuvent former des fibres musculaires productrices de dystrophine chez les chiens et les souris atteints de dystrophie musculaire. L’ampleur avec laquelle la formation de nouvelles fibres corrige l’atrophie musculaire varie selon chaque animal. Il est important de souligner que les MAB peuvent franchir la paroi vasculaire et ainsi atteindre l’ensemble des muscles de l’organisme par une injection dans la circulation sanguine.
Un essai clinique préliminaire de phase 1/2 a été réalisé sur 5 patients en Italie. Cet essai a montré que les MABs de donneurs sains peuvent être utilisés pour traiter des enfants atteints de DMD. Un traitement immunosuppresseur doit accompagner la transplantation des MABs et le pouvoir réparateur de ces cellules s’est révélé faible. Ceci est lié en partie au stade avancé de la DMD chez les patients de l’essai clinique. Les scientifiques cherchent à améliorer cette approche en utilisant les propres cellules du patients après correction génique afin qu’elles produisent de la dystrophine. Dans le futur, les patients seront traités à un âge plus jeune, donc à un stade plus précoce de la maladie, où les muscles ne sont pas encore trop profondément endommagés.
Les cellules souches pluripotentes induites (cellules iPS)
Les cellules iPS peuvent être produites en laboratoire à partir de cellules de la peau. Elles sont pluripotentes, ce qui signifie qu’elles ont la capacité de pouvoir donner naissance à toutes les cellules de l’organisme. Récemment, le chercheur Francesco Tedesco, basé à Londres, et ses collègues ont découvert comment transformer des cellules iPS provenant de la peau de patients en cellules qui se comportent comme des MABs normaux. Ces cellules semblables aux MABs (« MAB-like ») ont été injectées à des souris atteintes de dystrophie musculaire. Ces souris ont gagné de la force musculaire, augmenté leur niveau d’activité physique et produisent des protéines musculaires normales. Ceci est une étude préliminaire qui devra être confirmée par d’autres recherches afin d’établir si ce type de traitement est sûr et efficace et pourrait être appliqué à l’homme. Néanmoins, ces travaux suggèrent que des cellules semblables aux MABs produites à partir de cellules iPS pourraient s’avérer prometteuses pour le traitement de différents types de dystrophie musculaire. Comme les cellules iPS peuvent s’auto-renouveler indéfiniment, il serait possible de cultiver un nombre illimité de cellules semblables aux MABs à partir des cellules cutanées d’un patient et de les injecter dans la circulation sanguine. Ces cellules seraient plus faciles à cultiver en laboratoire et pourraient être moins susceptibles de rejet par le système immunitaire du patient que des cellules de donneur sain.
Dans la dystrophie musculaire, les cellules musculaires endommagées ainsi que les cellules du système immunitaire produisent des substances chimiques inflammatoires. Ces substances chimiques tuent les cellules musculaires et rendent l’environnement musculaire hostile de sorte que les nouvelles cellules musculaires ne peuvent ni proliférer ni survivre. Les scientifiques pensent qu’ils pourraient ralentir l’atrophie musculaire chez les patients en diminuant l’inflammation musculaire. Les stéroïdes sont actuellement utilisés pour réduire l’inflammation, mais les scientifiques veulent développer des solutions alternatives. Il y a parmi celles-ci:
Les médicaments
Les chercheurs étudient d’autres types d’anti-inflammatoires ou d’agents favorisant la croissance musculaire pour traiter la dystrophie musculaire. Plusieurs études cliniques sont en cours avec de nombreuses molécules, mais il n’y a pas de résultats concluants pour le moment. Des nouvelles molécules telles que la PTC124 (qui corrige le défaut génétique) sont approuvées pour la commercialisation en Europe. Par contre, les résultats ne sont pas concluants. Une situation similaire existe pour d’autres petites molécules (oligonucléotides) qui permettent à la machinerie cellulaire d’ignorer le défaut génétique qui empêche la synthèse de la dystrophine (il s’agit du saut d’exon).
Il n’existe actuellement aucun traitement de la dystrophie musculaire basé sur des cellules souches. La recherche a ouvert quelques voies fascinantes pour de futurs traitements qui pourraient s’avérer efficaces. Par contre, de nombreux travaux de recherche sont encore nécessaires pour déterminer si ces traitements seront efficaces et sécuritaires chez l’humain. Les principaux défis que les scientifiques auront à relever sont :
- Prévenir le rejet immunitaire des cellules transplantées
- Délivrer les cellules dans la circulation sanguine pour atteindre tous les muscles affectés
- Augmenter l’efficacité de la greffe des cellules transplantées. Dans le cas des greffes de moelle osseuse, les cellules malades peuvent être éliminées. Dans la DMD, les cellules musculaires malades ne peuvent pas être éliminées, ce qui limite l’espace nécessaire pour la greffe des cellules transplantées.
Cette fiche-info a été élaborée par Rachel Gill. Edité par Jan Barfoot.
Révisé en 2013, 2016 et 2018 par Giulio Cossu.
La traduction en français a été faite par Marianne Minkowski, Camille Malouf et Anna Motyl.
Image principale de la structure musculaire et du diaphragme illustrant l’utilisation des iPS dans les recherches sur la thérapie cellulaire pour la dystrophie musculaire réalisée par Emma Kemp avec Servier Medical Art. Image d’un muscle de patient atteint de dystrophie musculaire de Duchenne par le Dr Edwin P. Ewing, Jr et avec l’autorisation de la Public Health Image Library du US Department of Health and Human Services. Fibre musculaire photographiée par Mike Kayser, Wellcome Images.
Fibres musculaires cultivées à partir de mésoangioblastes avec l’autorisation d’OptiStem et par Giulio Cossu.