Accident vasculaire cérébral : comment les cellules souches peuvent-elles aider?
L’accident vasculaire cérébral (AVC) est la deuxième cause principale de décès dans le monde et la première cause d'invalidité en Europe. Un AVC se produit lorsque l’apport de sang à une partie du cerveau est considérablement réduit, ce qui entraîne souvent des effets graves sur l’organisme. Selon l'étendue et la localisation de l’AVC, environ un tiers des patients récupèrent plutôt bien, mais la plupart subissent des dommages permanents et certains AVC entraînent de graves handicaps. Les traitements par les cellules souches peuvent-ils aider?
La forte réduction du débit sanguin qui se produit lors des accidents vasculaires cérébraux peut gravement endommager des régions du cerveau ou peut même être fatale.
N’importe qui à n’importe quel âge peut faire un accident vasculaire cérébral, mais l’âge, les antécédents familiaux et les modes de vie peuvent avoir un impact sur les risques d’en faire un.
La meilleure prise en charge pour une personne qui fait un accident vasculaire cérébral est d’être traitée le plus rapidement possible pour rétablir le débit sanguin.
Les cellules souches cérébrales (neurales) peuvent produire n’importe quelle cellule du cerveau et répareront naturellement de petites lésions cérébrales. Les chercheurs espèrent que des traitements à base de cellules souches neurales pourront aider les victimes d’accident vasculaire cérébral en réparant en partie les lésions du cerveau.
Les scientifiques cherchent à déchiffrer les signaux qui contrôlent les cellules souches neurales de façon à élaborer de meilleurs traitements.
Ils s’emploient à développer de nouveaux médicaments qui stimulent des cellules souches neurales déjà présentes dans le cerveau à se multiplier, à migrer vers les zones endommagées et à commencer le processus de réparation.
Nos cerveaux ne contiennent qu’un nombre limité de cellules souches neurales. Bien qu’il soit possible de les produire en laboratoire en grandes quantités à partir des cellules iPS, ces cellules pourraient être la cause de tumeurs et de lésions cérébrales supplémentaires en cas de production défectueuse. D’autres études devront démontrer que les cellules produites en laboratoire sont à la fois sûres et efficaces.
Il faudra que les traitements par cellules souches neurales visant à restaurer des parties du cerveau, rétablissent aussi le système vasculaire (pour alimenter le flux sanguin) et reforment les réseaux neuronaux complexes. Les mécanismes de réparation naturels des cellules souches neurales pourraient effectuer une partie de cela, mais les chercheurs devront en apprendre beaucoup plus pour aider ces cellules dans ce processus de reconstruction.
Les accidents vasculaires cérébraux affectent de larges régions du cerveau. Même si des thérapies et des traitements par cellules souches pouvaient contribuer à restaurer les fonctions motrices des patients et réparer des parties du cerveau, il est possible que des zones gravement lésées soient détruites de façon permanente.
Un AVC se produit lorsque l’apport de sang vers une ou plusieurs parties du cerveau est réduit ou complètement bloqué. Le blocage peut être provisoire ou permanent et peut survenir de deux façons différentess:
- À la suite d’un AVC ischémique, un caillot de sang obstrue l'apport de sang au cerveau
- À la suite d’un AVC hémorragique, un vaisseau sanguin éclate et saigne dans le cerveau
Toutes les régions du cerveau ont besoin d’un bon apport sanguin pour fonctionner correctement. Lorsque l'écoulement du sang est restreint ou stoppé, les nutriments et l'oxygène essentiels au bon fonctionnement du cerveau ne peuvent atteindre les cellules cérébrales qui subissent des dommages ou meurent. Les effets sur l’organisme dépendent de la zone du cerveau endommagée et de la durée du blocage. Un AVC peut affecter les mouvements, la parole, les processus de pensée et la mémoire. Il peut causer la paralysie d’une ou plusieurs parties du corps, ou la perte de contrôle des fonctions corporelles. Environ 40 % des personnes touchées par un AVC présenteront des symptômes permanents qui les obligeront à recevoir des soins spéciaux. Les symptômes de la majorité des patients s’améliorent considérablement, mais environ 10 % des patients seulement récupèrent complètement.
N'importe qui à n'importe quel âge peut faire un AVC, mais il existe des facteurs de risque importants. La probabilité d’avoir un AVC augmente avec l'âge, par exemple. Certains groupes ethniques sont plus exposés à ce risque et l’existence d’antécédents familiaux d’AVC augmente vos chances d’en avoir un. Il existe également des facteurs de risque que nous pouvons réduire par des changements de mode de vie, tels que maîtriser son hypertension, avoir une alimentation saine à faible teneur en graisses et en sel, cesser de fumer et rester actif physiquement.
Le facteur le plus important dans la prise en charge d’un AVC est d'obtenir rapidement un traitement de professionnels médicaux expérimentés. Plus tôt le flux sanguin est restauré, moins le cerveau subira de dommages et meilleures seront les chances de rétablissement. Les patients qui arrivent à l'hôpital dans les 3-4 premières heures après le début de l’AVC peuvent recevoir un médicament « thrombolytique » qui dissolve les caillots, réduisant de manière significative l’invalidité et améliore la qualité de vie à long terme. Consulter un professionnel de la santé est donc essentiel si vous suspectez un AVC. La Fédération Nationale France AVC fournit des informations très claires sur la façon d’identifier les symptômes d'un AVC et d'agir rapidement.
Après un AVC, le but principal des thérapies consiste à aider les zones intactes du cerveau à réapprendre les facultés perdues telles la marche ou la parole (technique de neuroréadaptation). Cette approche fait intervenir un large éventail de professionnels, y compris des neurologues, des orthophonistes, des infirmières et des physiothérapeutes. Dans certains cas, les zones saines du cerveau peuvent apprendre à compenser les fonctions des régions endommagées par l’AVC. Malheureusement, les zones du cerveau qui ont subi des lésions graves ne peuvent pas récupérer, car l’organisme est incapable de remplacer les cellules détruites. C'est là où les scientifiques ont espoir que les cellules souches pourront jouer un rôle, en aidant à trouver des moyens de renforcer les systèmes de réparation de l’organisme.
Une des raisons qui compliquent le rétablissement des patients après un AVC est le fait que ce dernier endommage de nombreux différents types de cellules dans le cerveau. Cela signifie que, si nous voulons développer une thérapie visant à remplacer les cellules détruites ou endommagées, nous avons besoin des connaissances suivantes:
- Apprendre à cultiver les nombreux types de cellules du cerveau, ou le type précis de cellules souches requises pour produire les cellules dont nous avons besoin
- Démontrer que les cellules cultivées fonctionnent correctement
- Identifier les mécanismes qui permettent à ces cellules de s'organiser de la même manière qu'à l'intérieur d’un cerveau sain, recréer les connexions complexes entre les différentes parties du cerveau et joindre les cellules avec l'approvisionnement en sangdu cerveau
Ces défis sont énormes. Les scientifiques travaillent depuis de nombreuses années sur la mise au point d’éventuelles « thérapies de remplacement cellulaires » pour l’AVC. Mais, les chercheurs étudient aussi d’autres façons d'utiliser les cellules souches pour traiter l’AVC. Par exemple, la recherche sur les cellules souches peut servir à mettre au point de nouveaux médicaments qui pourraient stimuler les propres mécanismes de réparation du cerveau, y compris ses propres cellules souches, en vue de produire les nouvelles cellules nécessaires au rétablissement.
Les premières études visant à développer des thérapies de remplacement cellulaires pour l’AVC ont été effectuées sur des cellules de cerveau dérivées d'un type de tumeur appelée tératocarcinome. Les chercheurs ont constaté qu'ils pouvaient utiliser des cellules souches de tératocarcinome pour produire des neurones (cellules nerveuses du cerveau) en laboratoire. Ils ont alors transplanté ces neurones générés en laboratoire dans des cerveaux de rats ayant subi un AVC et ont démontré que les cellules transplantées pouvaient s’intégrer dans le cerveau des animaux. Cette recherche a mené en 2000 à un essai clinique visant à évaluer l’innocuité (non-nocivité) des neurones issus de tératocarcinome humain et transplantés dans le cerveau de victimes d’AVC. Bien que cette première étude ait mis en évidence le potentiel de survie des cellules transplantées, voire certains bénéfices chez un très faible nombre de patients, une autre étude réalisée en 2005 n’a pas montré d’amélioration de l’état des patients. L'origine tumorale de ces cellules, combinée à l’absence d'amélioration de l’état des patients a conduit les chercheurs à s’intéresser à d'autres sources de cellules souches
Les cellules souches du cerveau, aussi appelées cellules souches neurales, sont l'un des principaux types de cellules souches étudiés pour traiter l’AVC. Ces cellules peuvent se diviser, se multiplier, et donner naissance à tous les types de cellules du cerveau. On peut les obtenir à partir de tissu fœtal et de certaines régions du cerveau adulte, mais ces deux sources ne fournissent qu’un nombre très limité de cellules. Elles présentent aussi l'inconvénient de ne pas être identiques aux cellules du patient, et donc de pouvoir être rejetées après la greffe à moins d’administrer au patient des médicaments permettant de supprimer son système immunitaire. L'utilisation de tissu fœtal fait par ailleurs l’objet d’un débat éthique, tandis que l’obtention de cellules souches neurales à partir d'un cerveau adulte nécessite une chirurgie lourde dont les risques pour le donneur sont importants.
Malgré les défis posés par l’obtention de cellules souches neurales, des résultats encourageants ont été observés chez les rongeurs. Ces recherches semblent indiquer que les cellules souches neurales, une fois injectées dans le cerveau, peuvent migrer de façon sélective vers les aires endommagées. Une fois à destination, elles peuvent aider à remplacer les tissus endommagés et à stimuler les propres mécanismes de réparation du cerveau en libérant des substances qui diminuent l'inflammation et améliorent la survie des neurones existants. La transplantation de cellules souches neurales dans le cerveau demeure néanmoins un défi épineux et de longue haleine
D'autres recherches suggèrent l’intérêt potentiel d'une autre approche. Selon certaines données, en effet, on pourrait utiliser des substances chimiques pour stimuler la division, la multiplication et la migration des cellules souches neurales présentes dans le cerveau vers les zones endommagées. Ces résultats pourraient ouvrir des voies prometteuses pour la mise au point d’un traitement médicamenteux de l’AVC
Les cellules souches embryonnaires et les cellules souches pluripotentes induites (iPS) ont été utilisées en laboratoire pour produire des cellules souches neurales en grande quantité. Les cellules souches embryonnaires ainsi que les cellules iPS sont pluripotentes – elles peuvent donner naissance à l'ensemble des types cellulaires de l'organisme. Élucider les mécanismes qui contrôlent la production des cellules souches neurales permettra de résoudre certains des problèmes rencontrés par les chercheurs en quête d’une source de cellules à visée thérapeutique. Cependant, les puissantes propriétés des cellules souches embryonnaires et des cellules iPS leur confèrent la capacité de former des tumeurs, un risque qu’il faudra impérativement écarter avant que des essais cliniques sur de nouveaux traitements soient menés chez des patients victimes d’AVC
Les premières utilisations de cellules souches embryonnaires dans les recherches sur l’AVC remontent à 2005, lorsque des cellules souches neurales produites à partir de cellules souches embryonnaires ont été injectées dans des cerveaux de rat. Les chercheurs ont observé que les cellules souches neurales transplantées étaient capables de produire dans le cerveau différents types de neurones spécialisés (cellules nerveuses). En 2006, un groupe de recherche en Allemagne a démontré que les cellules souches neurales ainsi produites pouvaient non seulement survivre et donner naissance à de nouvelles cellules nerveuses dans le cerveau, mais que ces neurones nouvellement produits pouvaient créer des connexions avec les neurones existants. D’autres groupes de recherche en 2008 et 2009 ont montré que des neurones issus de cellules souches embryonnaires humaines pouvaient, une fois transplantés, s’intégrer dans le cerveau de rats ayant subi un AVC ischémique. Les scientifiques ont observé une amélioration des mouvements des animaux après la greffe. Une étude récente menée en Suède et en Allemagne a rapporté des résultats similaires chez des souris et des rats avec des cellules souches neurales produites à partir de cellules iPS humaines.
En dépit de ces résultats prometteurs, d’autres recherches sont nécessaires avant de pouvoir envisager d’utiliser les cellules souches embryonnaires ou les cellules iPS pour le traitement de l’AVC chez les patients. Les scientifiques doivent comprendre précisement comment orienter les cellules souches pluripotentes à ne produire que le type de cellule neurale requis, mettre au point des méthodes de transplantation sûres et efficaces, et étudier les effets à long terme des greffes.
Les cellules souches mésenchymateuses (CSM) sont l'un des types de cellules souches les plus couramment utilisés dans les essais cliniques sur l’AVC à ce jour. Ces cellules peuvent facilement être prélevées et cultivées à partir de la moelle osseuse d'un patient et peuvent donner naissance à des cellules de graisse, de cartilage et d'os. Des cellules souches semblables aux cellules souches mésenchymateuses peuvent également être obtenues à partir d'autres sources cellulaires comme le cordon ombilical et le tissu adipeux (gras), bien que leur identité et leur nature exactes suscitent toujours une controverse au sein de la communauté scientifique.
Des CSM de moelle osseuse et des cellules dérivées de tissu adipeux ont été injectées dans le cerveau ou dans une veine de la patte de rats qui présentaient des lésions cérébrales similaires à celles causées par un AVC. Au cours de ces études, on a noté une réduction de la taille de la zone cérébrale endommagée chez les animaux ayant reçu les cellules injectées, mais pas chez ceux n'ayant pas eu d’injection. Les cellules injectées semblent être capables de se déplacer vers la zone du cerveau endommagée, mais cette propriété n’est pas considérée comme essentiel pour procurer un effet bénéfique puisque les CSM ne peuvent pas fabriquer de nouvelles cellules nerveuses. Les chercheurs qui effectuent ces études pensent que les CSM injectées produisent et libèrent des substances qui réduisent l'inflammation et stimulent les mécanismes d’autoréparation du cerveau. D’autres recherches sont nécessaires pour comprendre ces résultats avant de pouvoir mettre au point des traitements efficaces
En 2005, un groupe de chercheurs de Corée du Sud a rapporté les résultats d’un essai clinique mené chez cinq patients ayant reçu une injection de CSM dans le cerveau. Les résultats obtenus après un an ont conclu à l’innocuité de l'injection de CSM, mais n’ont pas mis en évidence d’amélioration de l’état des patients. Le même groupe a publié en 2010 les résultats d’une étude semblable sur un plus grand nombre de patients suivis pendant une période de cinq ans après la greffe. Les deux études ont produit des résultats comparables. La question de savoir si les CSM peuvent procurer un avantage aux patients ayant été victimes d’un AVC reste donc ouverte.
Aucun traitement par les cellules souches n'est encore disponible pour l’AVC. Les chercheurs à l’échelle internationale utilisent différents types de cellules souches pour étudier les mécanismes de fonctionnement du cerveau et trouver des moyens de réparer les lésions causées par l’AVC. Certains essais cliniques sont en cours. Parmi eux, l’étude PISCESlancée par la compagnie britannique ReNeuron, qui a cultivé des cellules souches neurales à partir de tissu fœtal. Cette compagnie a publié en 2012 les résultats d'un essai clinique préliminaire visant à évaluer l’innocuité de l'injection de ce type de cellules dans le cerveau de cinq patients. Aucun des patients n'a présenté de réaction indésirable. ReNeuron vient de demander au gouvernement britannique l’autorisation de démarrer un essai sur un plus grand nombre de patients afin d’étudier les bienfaits potentiels de la transplantation de cellules souches neurales. Le registre public américain d’essais cliniques clinicaltrials.gov dresse la liste d’au moins 25 autres essais portant sur l’évaluation de l'utilisation de divers types de cellules souches pour traiter les patients victimes d’un AVC. La plupart de ces essais ont lieu en Chine et aux États-Unis, même si un petit nombre d’entre eux sont également menés en Europe
De nombreuses questions restent en suspens concernant l'utilisation potentielle des cellules souches pour traiter l’AVC, par exemple : quelle est la source idéale de cellules souches? Comment devrait-on les transplanter ou peut-on utiliser les cellules souches déjà présentes dans le cerveau du patient? De combien de cellules a-t-on besoin et quel est le meilleur moment pour entreprendre un traitement après un AVC? Quelles sont les conditions requises pour produire le bon type de cellules dans le respect des normes de pureté et de sécurité exigées? Des recherches sont en cours pour répondre à ces questions et à d'autres tout aussi importantes.
Cette fiche info a été crée par Serafi Cambray et révisée par Marco Bacigaluppi et Peter Sandercock.
Image principale montrant des lésions d’AVC, fournie par Wellcome Images. Les autres images d’AVC chronique proviennent de la Wellcome Photo Library. Les images de Wellcome de neurones cultivés à partir de cellules souches embryonnaires sont de Q-L. Ying et A. Smith, les images de cellules souches neurales de souris transplantées ont été fournies par Yirui Sun, Wellcome Images.